Une critique sur remue.net
"Ce récit tisse habilement ses fils les uns aux autres, et ménage sans
cesse des surprises : c’est lentement que l’écheveau se dénoue, livrant
la vérité de chacun de ses acteurs au lecteur comme au narrateur
lui-même" : une (bonne) critique de Jean-Marie Barnaud sur le site remue.net
Étrange livre que ce premier roman de Cyrille Latour, que publient les Éditions de L’Amourier, ne serait-ce que par les connotations religieuses de son titre, une citation du Credo catholique : De l’univers visible et invisible,
et aussi par le fait que quasiment un tiers du texte raconte les
apparitions de la Vierge, la Gospa de Medjugorje, les effets de ces
apparitions sur les populations de Bosnie, ce pays qui est « comme une
cicatrice au milieu de l’Europe », les pèlerinages qui les ont
suivies : tous évènements dont le narrateur a eu connaissance par un
témoin réfugié à Paris sous le pseudonyme de M. Édouard, et qui en fut
un des acteurs.
Le regard que jette le narrateur sur cette histoire récente, comme aussi bien sur lui-même, n’a rien d’une complaisance hagiographique : en réalité, il s’agit plus d’une longue interrogation sur son propre parcours, sur les malentendus qui depuis l’enfance brouillent sa vue et hypothèquent sa liberté. Et c’est la même inquiétude qui le pousse à soupçonner que l’Histoire aussi peut mentir, à observer que des compromissions scandaleuses peuvent allier le Pouvoir et l’Eglise pour se jouer des populations, que des responsables religieux trahissent leur foi.
Ce récit tisse habilement ses fils les uns aux autres, et ménage sans cesse des surprises : c’est lentement que l’écheveau se dénoue, livrant la vérité de chacun de ses acteurs au lecteur comme au narrateur lui-même. Et ce jusqu’à la dernière page où se lève le malentendu qui lui avait fait fuir ce qu’il croyait être le mépris de son père. Il y a là le souvenir de ces romans d’apprentissage dont les héros doivent faire longuement patience avant que vienne la clarté.
Or le chemin que parcourt le narrateur, pour qui « seules comptent les traces », ce chemin initiatique, suit des voies curieuses et inattendues : lui qui maintenant est au chômage passe son temps, un peu comme les héros du film Locataires, de Kim Ki-duk, mais sans l’allant joyeux de ses acteurs, à squatter des après-midi durant des appartements dont il interprète les agencements, où il fait des rencontres inattendues et parfois décisives, comme celle de cette vieille femme qui le prend pour son fils. A moins qu’il n’occupe son temps à flâner dans les allées du Bazar de l’Hôtel de Ville, ou sur le toit de l’édifice, en compagnie de l’étrange M. Édouard.
Ces errances pourtant verront leur fin : cet homme, qui a connu après de brillantes études le stress et les exigences d’une grande entreprise, et pris la mesure de la violence de l’Histoire, et qui a souffert aussi, avant tout cela, des mensonges, des frustrations, des malentendus de la vie familiale et d’un mariage dont il ne comprenait plus le sens, s’apprête enfin à devenir qui il est et à faire mentir le jugement désabusé qui le piégeait : « Il y a un voile d’illusion qui recouvre la réalité. Mais en l’enlevant, c’est la réalité elle-même qu’on enlève. »
Le voici prêt à s’ouvrir au visible. Et à retrouver le sens de l’amour.
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Le regard que jette le narrateur sur cette histoire récente, comme aussi bien sur lui-même, n’a rien d’une complaisance hagiographique : en réalité, il s’agit plus d’une longue interrogation sur son propre parcours, sur les malentendus qui depuis l’enfance brouillent sa vue et hypothèquent sa liberté. Et c’est la même inquiétude qui le pousse à soupçonner que l’Histoire aussi peut mentir, à observer que des compromissions scandaleuses peuvent allier le Pouvoir et l’Eglise pour se jouer des populations, que des responsables religieux trahissent leur foi.
Ce récit tisse habilement ses fils les uns aux autres, et ménage sans cesse des surprises : c’est lentement que l’écheveau se dénoue, livrant la vérité de chacun de ses acteurs au lecteur comme au narrateur lui-même. Et ce jusqu’à la dernière page où se lève le malentendu qui lui avait fait fuir ce qu’il croyait être le mépris de son père. Il y a là le souvenir de ces romans d’apprentissage dont les héros doivent faire longuement patience avant que vienne la clarté.
Or le chemin que parcourt le narrateur, pour qui « seules comptent les traces », ce chemin initiatique, suit des voies curieuses et inattendues : lui qui maintenant est au chômage passe son temps, un peu comme les héros du film Locataires, de Kim Ki-duk, mais sans l’allant joyeux de ses acteurs, à squatter des après-midi durant des appartements dont il interprète les agencements, où il fait des rencontres inattendues et parfois décisives, comme celle de cette vieille femme qui le prend pour son fils. A moins qu’il n’occupe son temps à flâner dans les allées du Bazar de l’Hôtel de Ville, ou sur le toit de l’édifice, en compagnie de l’étrange M. Édouard.
Ces errances pourtant verront leur fin : cet homme, qui a connu après de brillantes études le stress et les exigences d’une grande entreprise, et pris la mesure de la violence de l’Histoire, et qui a souffert aussi, avant tout cela, des mensonges, des frustrations, des malentendus de la vie familiale et d’un mariage dont il ne comprenait plus le sens, s’apprête enfin à devenir qui il est et à faire mentir le jugement désabusé qui le piégeait : « Il y a un voile d’illusion qui recouvre la réalité. Mais en l’enlevant, c’est la réalité elle-même qu’on enlève. »
Le voici prêt à s’ouvrir au visible. Et à retrouver le sens de l’amour.
Jean-Marie Barnaud
- 30 avril 2013