Critique parue dans "La Lettre du SFCC"
"Ô merveille du style qui parvient à faire ressentir ce sourd déni déréalisant la vie des personnage" - critique de Patrick Flouriot, parue dans La Lettre du Syndicat français de la critique de cinéma.
Dans le second roman de Cyrille Latour, on retrouve intacte
cette « force faussement tranquille » relevée par Christian Berger à propos du
premier, De l’univers visible et
invisible. L'auteur nous fait entrer, comme si de rien n’était (ô
merveille du style qui parvient à faire ressentir
ce sourd déni déréalisant la vie des personnages), dans l’univers diffracté,
pour ne pas dire fracassé, des Garcin. Le retrait du monde du père, Clément,
plongé dans un coma de huit mois par un accident de voiture, et son retour à la
vie, tel Lazare, vont précipiter (au sens chimique) en une douce déréliction
les fragilités des uns et des autres. Chacun tentera à sa façon de donner du
sens à son existence, quitte pour certains à s’inventer une fiction extrême.
Dans la famille Garcin, voici la mère, obsédée par l’enfant qu’elle désire tant avoir : « Plus elle y pense et plus
son ventre se gonfle. » Voici la fille, qui porte les cheveux courts comme le
ferait son frère fantasmé, auquel elle écrit que mamie ne veut pas comprendre que
« tu étais déjà là ». Elles croient que d’autres miracles sont possibles après
la « résurrection » paternelle. Quant à Clément, il va marcher sur le périphérique,
qu’importent les voitures. Ils sont seuls à croire à ce qu’ils croient. Dans la
modernité, où les miracles ne sont pas de mise, chacun est seul dans sa fiction.
Cyrille Latour nous le démontre avec force et non sans malice.
Patrick Flouriot