Critique de Pro/P(r)ose

https://proprosemagazine.wordpress.com/2018/05/27/car-lamour-existe-cyrille-latour/
"Habité par l’image et féru de septième art, Cyrille Latour déploie un style cinématographique, où les séquences se juxtaposent, où les phrases se tordent, se fractionnent, s’étoffent au gré des ellipses"

Une critique parue dans le (très bon) Pro/prose Magazine


Après un premier roman encensé et primé, De l’univers visible et invisible, paru en 2012, ainsi que La seconde vie de Clément Garcin,  en 2014, Car l’amour existe fait figure d’œuvre singulière dans le parcours de Cyrille Latour, à la fois sensible et cinématographique, publiée il y a quelques mois aux éditions L’Amourier.
Cyrille Latour conçoit l’écriture comme une « activité, discrète jusqu’à la clandestinité, qui nourrit toutes les autres et s’en nourrit en retour. Elle est la dernière parallèle : celle qui croise toutes les autres. » Il la considère comme « déterminante », « structurante », et « libératrice ». C’est cette essence quelque peu cathartique qui confère toute sa force à Car l’amour existe, un récit sensible, que l’auteur tire de son expérience personnelle et dédie à sa compagne.
Si l’œuvre fait sans conteste écho au court métrage de Maurice Pialat, L’amour existe, réalisé en 1960, elle ancre et greffe son récit autour de la trame narrative du cinéaste, jouant avec elle. Le noir et blanc de Cyrille Latour répond à cet univers entre poétique et chirurgie qui, en parcourant la banlieue, glisse pour ainsi dire dans une réécriture toute personnelle et intime du classique de Pialat. Latour se fond, cherche à adopter la posture tantôt objective tantôt purement subjective du contemplateur, que retranscrit la voix sombre et mélancolique de Jean-Loup Reynold.
Habité par l’image et féru de septième art, Cyrille Latour déploie un style cinématographique, où les séquences se juxtaposent, où les phrases se tordent, se fractionnent, s’étoffent au gré des ellipses. Par touches de vulnérabilité et de résilience, l’auteur se souvient, réécrit au fil des plans cette histoire vécue, douloureuse et emprunte de tristesse. Il s’empare de ces thématiques pour les montrer sous un nouveau jour. Dans la lignée de Pialat, l’écrivain dépeint l’absurdité, l’attente qui façonnent notre société, corrodant le mouvement, la monotonie de notre quotidien, qui semble de plus en plus souffrir d’une perte de repères et de sens.
Car l’amour existe, réfléchit à la vie, au deuil, au manque ou encore à l’absence. La nostalgie, l’amour y occupent une place de choix tandis que les impressions, les objets, les lieux de passage et de vie, imprégnés des instants heureux, participent à la résurgence du souvenir, font revivre l’être aimé, l’enracinent dans la mémoire pour mieux le sublimer et lui rendre un hommage empli de tendresse.
- Karen Cayrat

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Tu retournes en hiver dans la maison où tu as passé tant d'étés