Portrait en 12 questions par "Le domaine de Squirelito"
Où il est question de Clément Rosset, Georges Perec, Richard Powers, William James et Vinciane Despret : quelques noisettes dans ce monde de brut...
À lire sur Le domaine de Squirelito
Critique
de cinéma, rédacteur de dossiers de presse pour la télévision, Cyrille Latour
ne cesse d’écrire et vient de publier son 3° opus « Car l’amour existe »
aux Editions l’Amourier (chronique sciuridérienne à retrouver ici ). Les belles
lettres n’ont aucun secret pour lui et c’est avec un plaisir de fin gourmet que
je l’ai invité à répondre à cette nouvelle série du blog.
Un titre de roman pour
vous définir
La Contrebasse de Patrick Süskind Pas un roman, certes, mais le titre définit ce que je suis en dehors (ou au dedans) de l’écriture : bassiste
Votre premier coup de
noisette livresque
Le Club des cinq (hum…)
La base de la
littérature
L’absence
Le lieu idéal pour une
lecture accomplie
Souvenir
ému d’avoir lu la dernière phrase d’Austerlitz de W.G.
Sebald sur les falaises des Roches noires, du côté de Trouville : « Assis
au bord des douves de la forteresse de Breendonk, j’ai achevé la lecture du
quinzième chapitre de Heshel’s Kingdom, puis j’ai
repris mon chemin pour Malines, où je suis arrivé à la tombée de la
nuit. »
Sinon,
en temps normal, je lis essentiellement
dans le métro, ce qui a beaucoup moins de charme…
Un seul livre à la fois
ou ménage à trois
Un
seul livre à la fois (aussi bien pour la lecture que pour l’écriture,
d’ailleurs… je suis un animal beaucoup plus lent que l’écureuil…)
Un roman contemporain
qui pourrait être le livret d’un opéra
Orfeo de Richard Powers : au-delà du titre,
le roman est en soi une œuvre musicale…
La meilleure adaptation
cinématographique d’une œuvre littéraire
Blow up de Michelangelo Antonioni d’après Les fils de la Vierge de Julio Cortazar / mais j’hésite
également avec Villa Amalia de Benoît Jacquot (Pascal
Quignard aurait dit lui-même que le film est meilleur que son roman…)
L’ouvrage que vous auriez aimé écrire
Un homme qui dort de Georges Perec
Le livre qui vous
inspire le plus
Il
y en a tant ! Mais, aujourd’hui, je pense plus particulièrement à La Force majeure de Clément Rosset, dont la mort m’attriste
bien au-delà de ce que j’aurais supposé… Ces livres me font l’effet, à chaque
(re)lecture, d’un grand souffle d’air : de quoi, en effet, prendre une nouvelle
et profonde inspiration !
Par
exemple, ce paradoxe de la joie (c’est elle, la « force majeure ») :
« La joie est une réjouissance inconditionnelle de et à propos de
l’existence ; or il n’est rien de moins réjouissant que l’existence, à
considérer celle-ci en toute froideur et lucidité d’esprit ».
Il
m’avait fait la grâce de lire et d’apprécier mon deuxième roman La Seconde vie de Clément Garcin (dont le personnage
principal s’appelle Clément en son honneur) et nous avions (trop) brièvement
échangé par la suite. Je venais de lui envoyer Car l’amour
existe, dans l’espoir, à la fois timide et quelque peu orgueilleux, de
prolonger cet échange. Si je n’étais pas sûr qu’il me réponde, ce n'est en tout
cas pas le genre de nouvelles que je m’attendais à recevoir le concernant...
Vos mots préférés
« érotétique »
: l’art de poser les questions, « de faire passer le désir de savoir, de
susciter les histoires », mot découvert à la lecture du magnifique et
indispensable Au bonheur des morts de Vinciane Despret
La meilleure phrase de
votre dernier livre
J’ai
bien du mal à raisonner en terme de « meilleur » (quoique, à la
réflexion, l’idée que les phrases, dans un livre, soient en concurrence les
unes avec les autres n’est pas pour me déplaire…), mais la phrase qui me paraît
la plus importante est celle qui, tout à la fois, donne son titre au livre, le
justifie et le conclut : « Car l’amour existe ».
Une citation éternelle
« Nous
devons répéter que ce monde est bon, du moment qu’il
est tel que nous le rendons – et nous devons le rendre bon. » dans La Volonté de croire de William James